Cette soirée avait tout pour être une soirée ordinaire. Attilla était allé faire un tour à Stannyfest avant de monter dans sa chambre pour aller se coucher. On parlait ici et là d'un éventuel assaut des Cartellois ou des exilés jusqu'au perron de l'auberge de Fuisserage.
Pourtant, une fois la porte franchie, Attilla était rassuré.
-Tout a l'air paisible par ici, rien ne diffère des autres soirs. Ce doit être une rumeur basée sur de fausses informations... Allez, allons à Stannyfest pour mettre à mal quelques champignons!
Attilla empoigna son arc qu'il tenait en équilibre sur son épaule et tendit le cordage jusqu'à atteindre une tension optimale. Il arriva bientôt sur le pont qui marquait l'entrée dans la forêt.
Sans perdre de temps, il se mit en route vers un point ombragé et très humide où les champignons prolifèraient à vitesse grand V. Au bout de cinq minutes de labeur, un pigeon se mit à tournoyer autour de lui à quelques mètres d'altitude avant d'atterir à ses pieds.
Sur les pattes du volatile, une missive était solidement attachée. Attilla saisit l'animal après avoir appuyé son arc contre un tronc d'arbre.
-Viens voir par ici toi...
Il fit sauté le sceau de la lettre et se mit à la lire. Une fois qu'il eût terminé, il s'empressa de reprendre son arc avant de se diriger vers le Nord de l'immense forêt, abandonnant sa besogne.
-Quelle idée d'aller si loin pour tuer ces fichues grenouilles ?
Il fut bientôt stoppé net dans son élan. Un archer qui n'arborait pas les couleurs des Exilés ne manqua pas d'attirer son intention. Serait-ce le début de la Guerre? Non, un homme seul n'aurait pas la prétention de venir jusqu'à Fuisserage, aussi puissant soit-il... Valait mieux néammoins prendre ces précautions. Attilla décida de faire demi-tour pour s'approcher du pont qui enjambait le bras de rivière de Stannyfest.
-J'espère qu'il s'en est tiré indemne là-bas...
En se retournant, il constata que l'archer ne l'avait pas suivi. Il retourna en direction du Nord de Stannyfest pour prendre des nouvelles de son ami. Juste avant de franchir la limite qui matérialise la séparation entre le Sud et le Nord de la forêt, il vit Gladrin essouflé mais sain et sauf.
-Ca va? C'était un Cartellois si je ne me trompe pas...
Le magicien fit signe de la tête pour affirmer qu'il s'agissait bien d'un Cartellois. Il fit comprendre à Attilla qu'il y avait eu des morts du côté des Exilés et que le coupable avait réussi à s'en sortir.
-Suis moi, il faut sortir de cette forêt le plus vite possible, le danger est trop grand!
Ils firent quelques pas en direction de Fuisserage mais les forces de Gladrin l'abandonnaient. Il ne tarda pas à être cloué au sol, se trouvant dans l'impossibilité de faire un pas de plus.
-Prend mon matériel et cette bourse, je préfère que ça soit toi qui l'ait plutôt qu'un ennemi.
Attilla prit ce que lui tendit Gladrin et le rangea dans sa besace. Résigné à l'idée de l'abandonner ici, au beau milieu de Stannyfest, il resta à ses côtés un moment, dans l'espoir qu'il retrouve le peu de force qu'il lui manquait pour se mettre à l'abri.
L'archer se tourna vers le pont qui paraissait tellement loin à ce moment-là dans l'espoir d'y voir apparaître une aide providentielle. C'est là qu'il vit Atlyre, un moine renommé pour son eau de vie, venir sauver des vies en prodiguant ses soins si précieux. Il ne tarda pas à se rendre compte de la situation. Ils prirent la décision tous les deux de pousser leur compagnon jusqu'au ponton, ils le firent avec entrain, Atlyre oubliant même momentanément son eau de vie.
Gladrin, Baron de la Légion Ardente trouva par la suite le courage de se mouvoir jusqu'à Fuisserage. Attilla et Atlyre restèrent encore un moment à Stannyfest où un silence de plomc avait désormais pris place. L'archer aperçevait Atlyre perdu dans ses pensées quand soudain, en arrière plan une meute de guerriers sanguinaires déboula à toutes enjambées.
A leurs parures, Attilla ne douta pas un instant de l'origine de ces enragés, il s'agissait de Cartellois! Il n'en fallut pas plus pour qu'il déguerpisse vers Fuisserage. Dès qu'il y rentra, il se rendit compte de son erreur.
-ATTTLLLYYYRRREEE! J'ai oublié de le prévenir... Le pauvre, il a dû trépasser dans la seconde.
Il arriva maintenant à hauteur de Gladrin, toujours aussi faible. Que faire? Rester avec lui? Mais pourquoi faire puisque de toute façon, ils mourraient les deux, impuissants face à un tel groupe de fous furieux.
Le magicien lui avait confié son matériel et il s'était engagé à veiller dessus jusqu'à ce qui puisse lui remettre en mains propres à un moment plus propice. Enfin, l'instinct de survie pencha également dans la balance quant au choix définitif.
Toutes ces questions et ces réflexions défilèrent à toute vitesse dans la tête d'Attilla qui entendait les pas des Cartellois s'approcher de plus en plus. Il fallait prendre une décision et vite!
-Tout le monde à l'auberge, cria-t-il avant de se diriger tout droit vers celle-ci.
Bien peu d'Exilés le suivirent, ils allaient en payer le prix. Bientôt les premières lignes cartelloises firent leur apparition à Fuisserage, une dizaine, une quinzaine d'hommes tout au plus mais leur organisation témoignait que cette attaque était le fruit d'une grande réflexion.
C'est en progressant dans la foule dense vers le puit qu'Attilla prit le temps de se retourner pour constater les dégâts. Il vit un Guerrier qui semblait être le meneur du groupe trancher la gorge de son ami Magicien sous ses yeux.
Il leva les yeux au ciel.
-Paix à son âme!
Il reprit sa course folle, manquant de renverser des gens au passage. Il se retourna une dernière fois et vit les forces cartelloises se concentrer sur le Sud. Un homme cria: -San Goku, par ici! Le plus impressionant des Guerriers le rejoint immédiatement. Ainsi, c'était ce fameux San Goku qu'Attilla connaissait pour sa renommée mais qu'il n'avait encore jamais croise, qui menait cette invasion sur le territoire exilé.
Attilla retourna immédiatemment dans sa chambre, ne prenant pas le temps de s'attarder au rez-de-chaussée. Il déposa sa besace au pied de son lit avant de s'allonger sur le dos, des souvenirs tout aussi horribles les uns que les autres dans la tête.
-Comme quoi, les rumeurs qui courent ne sont pas à prendre à la légère, conclua-t-il.